Surfaces

 

Dans Surfaces, Cassandre Lepicard se met en scène face à un miroir embué de vapeur d’eau. Le visage jonché de pustules ovoïdes (il s’agit d’œufs crus dénudés de leurs coquilles et seulement pourvus de la membrane enveloppant le liquide), son aspect monstrueux contraste avec le soin esthétique que lui apporte l’artiste. On assiste à une « morning routine » dérangeante, une « skincare » du quotidien qui évoque l’absurdité de ce soin extrême apporté à notre enveloppe charnelle quand notre propre monstruosité d’être humain transparaît aux yeux du monde. Les excroissances font office de mauvais présage et l’artiste souligne ici la capacité de l’espèce humaine à se voiler la face vis à vis d’un monde qui court à sa perte.

Lien vers la vidéo : https://dai.ly/k518gWsWE3we9UzBUGk

 

Fécondation extra-utérine

Fécondation extra-utérine est une série de photographies inspirées des premiers clichés médicaux de patients malades. L’artiste s’est plus spécifiquement intéressée aux mises en scènes des « hystériques » du neurologue Jean-Martin Charcot. La vie de ces femmes hypnotisées par l’homme de sciences était  entièrement dédiée à l’avancée médicale, certaines en ont même acquis une notoriété enviable en tant qu’ «hystériques de Charcot », telle Blanche Wittman. Quand le médecin est adulé pour son intelligence, la femme est reconnue pour son aptitude à être manipulée. Le corps féminin photographié par Cassandre Lepicard se veut générique et l’attention se porte davantage sur l’aspect incongru causé par les excroissances qui pullulent sur la peau que sur l’identité de la personne photographiée. Des fragments de corps sont exposés, le visage n’apparaît pas, le corps est désexualisé de part son apparence repoussante. L’artiste se met en scène elle-même, sans dévoiler son visage, comme pour se réapproprier son corps, et plus généralement celui de la femme accaparé par la société. Les excroissances sont des œufs crus qui, une fois trempés dans du vinaigre, se détachent de leur coquille et gardent une fine membrane pour seul contenant. Ils font écho à la maladie, qui déforme le corps féminin et porte atteinte à une certaine plastique attendue par la société, mais aussi à la maternité, injonction naturelle qui colle à la peau des femmes encore aujourd’hui.

Échantillons telluriques

Évoluer en tant que femme, qu’être sexualisé, induit une relation très intime à la chair. De ce rapport au corps Cassandre a développé un intérêt pour l’histoire de la médecine, et plus particulièrement la place que le corps féminin y occupe. En parallèle de cet apprentissage, elle a eu la chance de passer de longs moments au contact du monde sauvage. Ces escapades furent le fondement de ses questionnements sur la relation entre l’être humain et la nature.

À travers Échantillon tellurique, elle tente de créer une relation visuelle entre l’organisme humain et la croûte terrestre. L’analogie presque obsessionnelle qu’elle souhaite créer entre la chair et les motifs naturels vient d’une profonde envie d’extraire le corps féminin du carcan sociétal dans lequel il évolue. Les méandres des fleuves, les crevasses des déserts, les reliefs en tous genres se révèlent parler le même langage graphique que les varices, veines et craquelures de la peau humaine. La peau se pare de striures, de rougeurs et laisse parfois échapper son nectar vermeil qui coagule aussitôt en rencontrant l’air. Le magma devenu lave, se fige, emprisonne de minuscules caillots qui cristallisent une part d’éternité. L’organisme se révèle au monde et divulgue des bribes de vérité. La peau s’étend, des cavités se creusent, de chemins se tracent. Le paysage se dessine au fil du temps et des tumultes internes. La peau est marquée des mêmes sillons que l’agitation des profondeurs terrestres a fait apparaitre sur la surface de la Terre. Ces empreintes sont les témoignages des émotions et bouleversements qui circulent au contact de ces étendues épidermiques.

La technique de la cire permet de superposer les couches, à la manière des strates rocheuses, en fonction de la vibration sous-jacente qu’elle souhaite faire apparaitre. La cire brûlante et opaque coule sur le support jusqu’à se figer complètement. Cassandre viens ensuite sculpter, gratter la surface afin de révéler les cristaux antérieurement emprisonnés par la matière chaude. Un univers graphique se découvre peu à peu, et, à l’instar des minéraux dans les roches ou de bleus sur la peau, suggère un monde plus complexe en profondeur.

 

 

Fleurs de peaux

Acrylique et encres colorées sur papier – plaques d’aluminium – 50 x 60 cm

En représentant la chair, l’organique, qui s’oppose à la sensualité, Cassandre Lepicard ramène le corps à sa matérialité, dénué du substrat esthétique qui façonne la vision de la femme depuis des siècles.

La chair évolue au fil des années, l’empreinte du temps et des événements extérieurs et intérieurs la parent de couleurs, motifs et reliefs. Une toile en perpétuelle évolution qui garde les marques de son vécu.  Cassandre essaie d’apporter une valeur esthétique à ce qui n’en a communément pas, l’organique, en le traitant à la fois comme paysage et « personnage » central de ses compositions.

Pour ce faire, elle créé un lien entre le corps et son environnement naturel, plutôt que de le considérer comme une entité à part et isolée. L’analogie entre le corps et le paysage permet d’élargir les champs visuels et ôte tout jugement imprégné de nos sociétés conditionnantes.

Ces concordances formelles invitent à penser qu’à des échelles différentes, ces contenants que sont la croûte terrestre et la couche épidermique du corps humain sont des territoires fragiles, où les stigmates des agressions passées composent avec les organes les plus essentiels à notre survie.

Un paysage se crée au recto de la feuille, l’artiste sculpte le verso pour en faire émerger des reliefs, elle suggère ce qui se cache derrière la peau. La surface du papier raconte l’histoire de ce qu’il recouvre.

 

Échelle de la douleur – 50 x 60 cm

Échelle de la douleur 2 – 50 x 60 cm

Bronchioles aériennes – 50 x 60 cm

Tracé cardiographique – 50 x 60 cm

 Recherche Échelle de la douleur 1 – 30 x 35 cm

Recherche Échelle de la douleur 2 – 30 x 35 cm

Recherche Écriture épidermique – 30 x 35 cm

Recherche Bronchioles aériennes – 30 x 35 cm

Homo monotrème

« Elle parcourt les monts et les plaines du Jura, se baignant aux rivières, aux torrents, aux lacs, aux étangs. Elle porte sur ses cheveux un diadème orné d’un gros rubis, si pur que tout l’or du monde suffirait à peine à en payer le prix »

La Vouivre, Marcel Aymé, 1943 

Ce projet met en scène une nouvelle espèce, créature hybride à la fois ovipare et mammifère, née d’une relation symbiotique entre l’humain et son environnement.

À l’image du rubis que la Vouivre protège dans le livre de Marcel Aymé, les éléments naturels contenus dans les poches de l’homo monotrème prennent toute leur valeur symbolique. Un échantillon de nature plus précieux que tout l’or du monde. Car au-delà d’une valeur marchande ou esthétique, la terre, les cailloux, les feuilles, contenus dans les poches de l’homo monotrème lui sont essentiels à sa survie. Les poches lui servent de stockage de nourriture durant l’estivation, période de dormance pendant l’été.

Ce projet, réalisé à partir de moyens assez réduits (tissus pour le costume, cailloux, terre, feuilles directement prélevés sur le lieu de prise de vue), a été photographié dans les forêts et étangs de la Creuse. Ce choix de lieu n’est pas anodin car c’est un des départements abritant le plus d’espaces naturels préservés de France. Il donne à voir une faune et une flore opulentes et diversifiées.

Piégée

Captures d’écran d’une vidéo réalisée à partir d’un piège photographique dans la Creuse. Homo monotrème de nuit. 

 

 

 

 

Excroissance modulable

Dans cette série de photographie, Cassandre met en scène sa sculpture émaillée sur son propre corps. Le corps fragmenté supporte la sculpture tel un coussin sur lequel repose un petit être de chair et d’os. L’animal se balade sur un socle dont l’apparence lui fait écho. Les courbes de la chair laiteuse, les tensions créées par les os saillants, l’aspect carné de l’émaille invitent à penser que la sculpture n’est autre qu’une prolongation du corps de l’artiste, née de ses entrailles et libre d’explorer son nouvel environnement. 

Eggsoplanets

Cette série de photographie est née de la fascination de Cassandre Lepicard pour l’infinement grand et l’infiniment petit. Elle a souhaité questionner le rapport d’échelle que l’on peut donner à une image, interpeller le spectateur sur ce qu’il voit ou croit voir, en recréant  une image connue de tous, celle d’une planète, qui renvoie à la notion d’infiniment grand, avec des moyens très réduits, une œuf, du vinaigre, une lumière et différents briquets colorés transparents pour modifier la couleur de l’œuf.

 

Nombril Magazine

En septembre 2023, Cassandre Lepicard a participé en tant qu’artiste invitée au premier numéro de Nombril Magazine, Insaisissable, créé par les fondateur·rice·s du Studio Vacarme.
« Le Mouvement Nombril est un exercice libre à l’initiative des membres du Studio Vacarme. Il/Elle est né·e d’un attrait pour le monde de l’imaginaire, d’un souhait de rassembler et d’une envie d’exprimer sans contrainte une passion commune pour l’art, la photographie et l’écriture.
 
Chaque magazine Nombril aura un thème abstrait qui viendra mettre en lumière des histoires contemporaines. Ces sujets font l’objet de nouvelles, de création typographiques et d’expérimentations graphiques. À leurs côtés, figurent des photographies, des illustrations et de l’Art Cgi choisis pour correspondre au thème donné. »

couverture : Studio vacarme 

Chair parasite

Chair parasite est une histoire illustrée divisée en sept chapitres. Il conte le quotidien d’une jeune lycéenne à travers son discours intérieur. Un quotidien semé d’événement absurdes et de scènes douloureuses qu’elle prend toujours avec beaucoup d’indifférence. Elle se réveille chaque matin dans un corps nouveau résultant d’événements arrivés la veille. Au fil de l’histoire, la narratrice perd peu à peu son corps au profit des autres, au profit de l’espace public. 

Digitale

À l’occasion de publications dans différentes revues (Étapes 270, Vénus Parasite, Éditions Michelin, Nombril Magazine, Revue Éclat…) Cassandre Lepicard a réalisé de nombreuses « peintures digitales » dont les couleurs froides et les formes organiques résonnent avec son travail de plasticienne. Ses compositions abstraites sont très influencées par les entrailles humaines, les végétaux et les micro-organismes  des profondeurs marines.

Douleur abdominale